Ce que le temps ne rend pas.
Aujourd'hui, j'aimerais aborder un sujet qui est universel et qui existe depuis la nuit des temps. Cette ressource que nous avons tous, mais qui est aussi très rare. J'en avais parlé brièvement la semaine dernière.
Eh oui, je parle du temps. Un concept qui a été visité par des artistes, des auteurs et des philosophes. Car oui, c'est un concept. Contrairement à ces objets qui peuvent nous entourer, qui sont tangibles, le temps, lui, est intangible. L'humanité a su le mesurer pour que nous puissions tous avoir une référence, afin de nous y retrouver, de nous accorder.
Sans cette mesure, la perception que nous en avons est différente. Nous avons su le nommer, car nous le subissons. Mais qu'en est-il vraiment ?
Au fil des années, j'ai compris et assimilé qu'il est devenu bien trop précieux pour le gaspiller. Paradoxalement, nous courons derrière, et c'est une course qui n'a ni début ni fin. Le seul instrument viable que nous ayons, c'est notre corps.
Quand j'étais plus jeune, j'avais l'impression de ne pas manquer de temps. J'avais même le temps de m'ennuyer pendant les grandes vacances, qu'elles étaient vraiment très longues. Et pareil à l'école : les cours aussi me semblaient interminables… surtout quand la matière abordée ne m'intéressait pas.
Et au fur et à mesure que je grandissais, que les années passaient, ma perception changeait. Une fois adulte, nous trouvons que nous manquons de temps. Débordés entre les obligations, le travail, les activités. On ne prend plus le temps de prendre le temps.
Qu'est-ce que j'entends par là ? C'est devenu un luxe. Enfant, je prenais le temps de m'émerveiller à certaines choses. Peut-être était-ce la découverte de nouveautés, ou simplement la contemplation d'un mouvement en suspens ?
Aujourd'hui, on court. On cale des cours de yoga et de méditation entre deux rendez-vous. On essaie de tenir les délais, de rendre des tâches qui nous prennent du temps, mais dont on manque.
Ça m'est déjà arrivé de vouloir que le temps arrête de s'écouler, juste pour pouvoir respirer un instant, prendre du recul. Ou de vouloir revenir en arrière, le rattraper, pour des choses qui comptent vraiment. Par exemple, avant la perte d'un être cher.
C'est un sujet complexe, et un concept qui m'effraie dans un certain sens. Car contrairement à d'autres ressources que nous avons à disposition, le temps est une chose que nous ne pourrons jamais récupérer.
Pour en revenir à mon exemple de la perte d'un être cher : ce que j'aurais souhaité, c'est qu'avant que son temps s'écoule, il y ait des choses que je puisse lui dire, lui montrer qu'elle a compté. Les moments passés ensemble sont autant de souvenirs du passé qui m'ont forgée. Mais voilà : ce ne sont plus que des vestiges, des ruines intérieures. Tels des châteaux. Et moi, je me demande, à travers mon vécu : est-ce que je pourrais honorer le temps qui m'est alloué ? Devant l'immensité de l'univers, je me sens comme une fourmi : petite.
J'aurais tellement voulu accomplir certaines choses, mais en vivant comme si j'étais immortelle, je n'ai pas mesuré l'importance de cette denrée rare, et de ce qu'est réellement l'impermanence de la vie.
Le temps nous est fatalement compté.
Pourquoi je parle de ce sujet ? C’est parce que je me demande ce que j’ai fait de ces dernières années. Non pas comme un reproche envers moi-même, mais avec un regard neutre. Est-ce que j’ai vraiment profité de ces instants ?
Je n’ai pas réellement vécu. J’étais dans une situation plus ou moins précaire, qui a fait que je devais me concentrer sur certaines façons de gagner de l’argent, tout en gardant une certaine dignité. J’aurais voulu faire ce que les personnes de mon âge faisaient : découvrir le monde. Finalement, je le fais autrement, et à ma manière. Si je n’ai pas pu le faire avant, il ne tient qu’à moi de le faire maintenant.
Et ça, ça concerne tous les domaines de ma vie. Oui, il m’arrive de penser que je ne peux plus me permettre certaines choses, parce que ce n’est plus de mon âge, ou parce que “c’est devenu obsolète”. Et je réalise que ce n’est peut-être plus le moment de le faire, que j’ai raté le coche. Si on devait prendre un exemple concret : on peut parler de ces aides ou avantages culturels que la ville réserve à certaines tranches d’âge.
Eh oui, c'est une vérité brute, mais réelle. On peut attendre… mais attendre quoi ? Dans tous les cas, le temps fuit sans cesse. Et nous, on ne peut pas fuir le temps, parce qu'au final, il nous rattrape, et le corps nous le fera comprendre.
Alors ce que je souhaite, c'est que mon temps, ce marqueur de mon existence, ait pu servir à quelque chose.
Comme si le concept d'éternité pouvait s’ancrer même dans le sens de mon existence. Et je ne parle pas d'immortalité. Mais de cette marque que je laisserai un jour, et qui perdurera. Car tant qu'elle sera là, je vivrai quelque part. Mais pour agir, il est nécessaire que je mette à profit le temps dont je dispose, sans pour autant me perdre dans les pièges de la course au temps.
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